Le serpent qui se mord la queue ou « Comment concevoir l’échantillon représentatif d’une population qui n’existe pas encore ? »

 

Chose promise chose due. Le mois dernier nous nous demandions comment concevoir l’échantillon représentatif d’une population qui n’existe pas encore ? C’est en effet plus qu’un simple problème méthodologique. C’est le problème de l’origine de l’origine, connu sous le nom de la poule et l’œuf. C’est plus simple de dire les choses comme cela plutôt que de parler de problème épistémologique, même si ç’en est un !

Pour commencer, posons nous la question de savoir ce que l’on fait quand on fait une étude marketing exploratoire. On tend à représenter le marché accessible à une innovation donnée, d’une manière originale et spécifique. Cela veut dire qu’on va chercher à décrire le marché pour la première fois ainsi.

Dans le cas de l’innovation, le terme « échantillon » est plutôt un abus de langage car un échantillon est censé être représentatif d’une population. Or,  dans le cas présent, la population, c’est-à-dire le marché, est le résultat de l’étude marketing, pas le point de départ. On ne peut donc pas partir du résultat pour démarrer et de plus, si on connaissait la solution avant de commencer, il n’y aurait plus besoin de faire l’étude. Donc, voila la vraie question, « puisqu’on ne connaît pas la population à analyser comment donc en constituer un échantillon ? » Par abus de langage donc, nous conviendrons, par la suite, d’appeler « échantillon » la sélection d’entreprises, d’acteurs, de prospects auprès de laquelle on va aller enquêter pour mener l’étude.

Compte tenu du fait qu’on ne peut savoir à l’avance qui vont être les clients intéressés ni quels peuvent être leurs problèmes, la première règle sera de privilégier la variété, la largeur de l’échantillon à sa profondeur. Qu’est-ce que cela signifie ? Prenons l’exemple d’une fibre qui pourrait servir à renforcer le béton dans des circonstances qu’on ignore encore au démarrage de l’étude. Il faudrait alors mettre dans l’échantillon des entreprises de BTP, des maçons de quartier, des sous-traitants, des spécialistes d’ouvrages d’art, des fabricants de produits préfabriqués en béton, des fabricants de barrages… Cette variété donnerait beaucoup plus de chance de tomber sur des problèmes auxquels la fibre peut apporter des solutions, qu’en menant 999 entretiens auprès de 999 maçons de village. Au bout du troisième entretien on aurait vite compris que tous les maçons de village disent la même chose et que l’on perd son temps à en voir plus. On ne valide pas plus la théorie de la gravité en faisant tomber mille fois la même bille d’une hauteur d’un mètre!

On commence donc par sélectionner un certain nombre de secteurs, d’industries, de marchés dans lesquels on pense pouvoir découvrir des applications à l’innovation que l’on étudie. A partir de là, il est facile de trouver, dans un annuaire ou une base de données, les noms de deux ou trois entreprises avec leurs coordonnées et parfois les noms de contact à prendre. Nous voilà donc en présence d’une petite liste d’acteurs à interviewer.

Ensuite on procède en boule de neige, et c’est là le grand secret de la constitution de l’échantillon. A l’issue de chaque entretien ou l’on a demandé à l’intéressé quels sont ses problèmes (de renforcement des bétons dans l’exemple utilisé) et à qui on a présenté les mérites uniques de notre innovation, on lui demande de nous suggérer d’autres contact de personnes qui pourraient avoir besoin de cette innovation et qu’on pourrait contacter de sa part.  

Evolution de l’échantillon en boule de neige

 En procédant ainsi, l’observation a montré (Adrien Bourgeois, 2008. Thèse professionnelle de mastère spécialisé) que l’échantillon de deuxième génération est neuf fois plus productif que celui de première génération. D’une part, il est trois fois plus facile de décrocher un rendez vous quand on est recommandé par quelqu’un. D’autre part, l’entretien est trois fois plus riche car on a été orienté vers quelqu’un qui a effectivement des problèmes qui relèvent de l’innovation que l’on propose et qui a donc trois fois plus de choses à nous dire.

Conclusion

En définitive, il ne faut ni trop se poser de questions quant à la constitution d’un échantillon, ni attendre qu’il soit parfait pour commencer à enquêter. L’échantillon de première génération ne sera jamais parfait, mais toujours suffisant pour commencer à enquêter. Et en définitive, c’est cela qui compte : se mettre en action. C’est ainsi qu’on pourra débusquer des clients qui rencontrent des problèmes inimaginables, par exemple dans le renforcement des falaises ou des tuyaux d’égouts, ou encore dans la fabrication de poutres de grandes longueur.

                              Article écrit par Paul Millier le 16 Octobre 2011

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3 Responses to Le serpent qui se mord la queue ou « Comment concevoir l’échantillon représentatif d’une population qui n’existe pas encore ? »

  1. Thomas FAUVEL says:

    « Mais que faire puisque mon marché est mondial!??? » est souvent ce que j’entends…
    Sous les aspects simples de cet article, le fait de convaincre un entrepreneur (et à fortiori un inventeur) que cette méthode fera gagner du temps et de l’argent est loin d’être facile! En phase de lancement, faire avec de petits moyens implique de définir une petite cible, sinon les efforts seront dilués!

    • Paul Millier says:

      Merci Thomas de nous avoir laissé ce commentaire qui permet d’ouvrir sur un autre point qui est la realisation d’étude à l’international. Comment arriver a la faire a moindre effort? Cela pourra faire l’objet d’un prochain billet sur ce blog

      Paul Millier

  2. Le serpent Jormungand de la mythologie nordique est l’un des trois enfants de Loki . Il a grandi a un point tel qu’il encercle le monde et peut saisir sa queue dans sa bouche, maintenant ainsi les oceans en place.

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