Pour innover, il faut que « j’aide la chance » !

Ceci doit à présent être devenu une évidence pour les lecteurs réguliers de ce blog que ce ne sont ni la chance ni le hasard qui permettent de tomber sur l’opportunité et « la bonne innovation ». A cet effet, en s’inspirant d’une expression citée par Philippe Gabilliet (Eloge de l’optimisme p 88) l’innovateur ne devrait désormais plus avoir le droit de dire «Pour innover, il faut que j’ai  de  la chance » mais « Pour innover, il faut que j’aide la chance ».

Selon Peter Drucker, l’innovation est la recherche déterminée et organisée de changement. C’est l’analyse systématique des opportunités que de tels changements peuvent offrir en termes de progrès économique ou social. S’il y a du vrai dans cette définition, elle est cependant insuffisante car dans l’absolu, une opportunité n’est jamais rien d’autre qu’une ouverture qui apparait dans le champ des possibilités de l’innovateur. En effet on ne passe pas instantanément et directement du repérage d’une opportunité à une idée d’innovation. En ce sens, l’innovation n’est pas seulement un résultat (Par exemple le nouvel i Phone) ou un événement mais aussi un processus. Pour illustrer qu’il ne suffit pas de repérer une opportunité pour qu’elle se transforme par magie en innovation, prenons l’exemple des frères Freitag donné par Sarah Sarasvathy & alii dans le livre « Effectual innovation ». Les frères Freitag connaissent un grand succès avec leur gamme de sacs très customisés et très « tendance développement durable ». En effet, au lieu d’utiliser des matériaux high-tech, ils fabriquent leurs sacs à partir de vieilles bâches de camions usagées et autres matériaux de récupération. Dans le cas précis, les frères Freitag auraient pu acheter toutes les études de tendance prouvant que les consommateurs sont de plus en plus sensibles au développement durable, jamais, dans aucune de ces études, ils n’auraient trouvé qu’il fallait faire des sacs à partir de vieilles bâches de camions. Sans l’étincelle créative des deux frères, basée sur on ne sait quoi, jamais les sacs Freitag n’auraient vu le jour.

 Sur la base de cet exemple, on peut imaginer deux voies différentes pour passer de l’opportunité à l’idée d’innovation. La première est la voie fortuite. On peut songer par exemple que dans leur jeunesse les frères Freitag se soient amusés à bricoler une besace solide à partir d’un vieux morceau de bâche récupéré sur le terrain vague mitoyen de la maison de leurs parents et en soient restés là pendant plusieurs années. Et puis un jour, voyant une émission sur le développement durable, ils ont réalisé qu’une partie des consommateurs étaient de plus en plus concernés par les problèmes d’environnement. Et par le miracle de l’intuition, ils ont corrélé cette sensibilité du public avec cette expérience de jeunesse qu’ils avaient peut-être oubliée mais qu’ils avaient néanmoins vécue et enfouie dans un coin de leur mémoire.

L’autre voie pour innover est plus organisée, plus méthodique et peut procéder en deux étapes. Dans un premier temps il va bien effectivement falloir commencer par repérer des opportunités. Ce repérage peut s’opérer en passant les différentes composantes de son environnement au travers d’un crible systématique pour ne rien laisser échapper. Par exemple, en appliquant un modèle proche des forces de Porter, on peut passer en revue son environnement rapproché en repérant ce qui bouge chez ses clients, chez les clients de ses clients, chez ses concurrents directs ou indirects et se demander si tel ou tel changement ne pourrait pas être exploité pour créer de la valeur. En utilisant un modèle de type PESTEL, on peut ensuite scanner une zone plus éloignée en repérant les modifications de son environnement politique, économique, social, technologique, environnemental et réglementaire et se poser à nouveau la question de savoir ce qu’on pourrait exploiter pour créer de la valeur. Dès lors qu’on a recensé tout ce qui change, ou est susceptible de changer, dans cet environnement rapproché et élargi, on est en mesure de dresser une liste d’opportunités et de contraintes. À partir de là une première manière basique de rendre cette liste productive est de se poser la question « et alors ? » En quoi tel « truc qui bouge » peut-il constituer une opportunité et que pourrais-je faire pour y répondre ? Par exemple, on peut partir du fait que « la population vieillit » ce qui est un élément qui évolue dans notre environnement social. Et bien cette même donnée ne conduira pas à la même conclusion selon qu’on est un assureur, où une régie de transport en commun par bus. En se disant « et alors ? », l’assureur conclura que le risque de dépendance va augmenter et qu’il faudrait peut-être faire évoluer son offre et sa cible en faisant souscrire aux enfants, par anticipation, une assurance qui les aidera en cas de dépendance de leurs parents. En revanche, en réponse à cette même question, la régie de transport se dira qu’elle va avoir à transporter de plus en plus de gens ayant des problèmes pour marcher et garder la position debout. En conséquence il va falloir plus de bus qui s’abaissent à l’arrêt pour faciliter l’accès, plus de places assises, plus de rampes pour accéder aux places assises… De manière générale et un peu systématique on dira que pour passer des opportunités aux idées d’innovation, il faut croiser les sources d’idées précédentes avec des méthodes heuristiques pour générer des idées susceptibles de répondre aux opportunités pour tout ou partie. Un exemple d’heuristique nous est donné par l’heptagramme de l’innovation qui contient sept pôles représentant des composantes élémentaires génériques de l’innovation qu’on peut explorer systématiquement pour chercher à produire des idées d’innovation. Reprenons l’exemple de la régie des transports en commun. En faisant le constat que la population vieillit elle va pouvoir se demander ce qu’elle peut faire en termes de produits, de services, de processus de travail, de relations avec ses clients, de relations avec ses fournisseurs, au niveau de son organisation pour répondre à l’évolution de ce segment de marché en croissance. On a ainsi croisé une opportunité repérée dans son environnement avec une méthode pour explorer de manière systématique toutes les possibilités de faire quelque chose pour s’adapter ou réagir à cette opportunité.

 En conclusion, si on ne veut pas compter que sur la chance pour innover mais bel et bien aider la chance, il faut d’abord être capable de repérer des opportunités, ce qu’on peut faire en utilisant des outils de screening de son environnement. Il faut ensuite être capable de transformer ces opportunités en idées, ce qu’on peut faire en passant systématiquement en revue une liste de composantes élémentaires génériques de l’innovation (Par exemple en termes de produit, service, process, relation clients, relation fournisseur, marché, organisation, supply chain, business model…) qui peuvent constituer des éléments de réponse complets ou partiels, à ces opportunités.

 Paul MILLIER

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3 Responses to Pour innover, il faut que « j’aide la chance » !

  1. Charline says:

    Bonjour,
    Je me permet de vous contacter car j’aimerais vous proposer un partenariat sous forme d’échanges de liens avec nos sites liés au Forex. N’hésitez pas à me contacter par mail afin de voir ce qu’il est possible de faire ensemble, si cela vous intéresse.
    Bonne continuation et à bientôt !

    Charline

  2. Pascal says:

    Cette vidéo du MBA ESCP illustre bien cet article selon moi :
    http://www.youtube.com/watch?v=5B7ocazsr_0

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