Un bon dispositif pour améliorer l’efficacité de son processus d’innovation est la formation. Au premier degré on pourrait se dire que c’est une affirmation bien banale. On se doute bien, en effet, que pour appliquer une méthode, il vaut mieux la connaitre que ne pas la connaitre. A ce premier titre, il est donc important de former le personnel aux bonnes pratiques d’innovation de l’entreprise et à l’ensemble des principes du marketing et du management de l’innovation. En particulier on pourra enseigner les méthodes de management de projet et l’arsenal des routines à mettre en œuvre pour développer un produit (Créativité, analyse fonctionnelle, analyse de la valeur, gestion des risques, logiciel de conception, calcul de rentabilité, business case…), les méthodes de gestion de portefeuille de projet, les études marketing exploratoires, le management d’équipe d’innovation….
Mais au deuxième degré, ce dispositif de formation est particulièrement important car c’est par lui qu’on peut assurer l’acculturation à l’innovation d’un groupe d’innovateurs (permanents ou occasionnels) et qu’on peut effectuer la transmission de l’expérience et la tradition des connaissances. Plus crucial encore, la formation permet de fournir un langage commun, nécessaire à un groupe pour travailler ensemble. En effet, être sûr qu’on donne le même sens à un mot apporte déjà une garantie qu’on évitera certaines ambiguïtés génératrices de mauvais résultat ou de perte de temps. Si l’on parle d’oiseau et que l’un a en tête un pinson et l’autre une autruche, personne n’a tort mais la collaboration sur le projet d’oiseau sera improductive. Il a été prouvé que, quand un projet d’innovation prend du retard, il ne faut surtout pas céder à la tentation de renforcer l’équipe par du personnel supplémentaire pour rattraper le retard. On ne fait qu’en prendre encore plus car il faut expliquer aux nouveaux venus ou l’on en est et, de plus, les ambiguïtés dues au manque de culture commune du projet ralentissent le processus car il faut reprendre ce qui a été mal exécuté de ce fait. Le vocabulaire est donc très important et, en général, on ne donne pas assez d’importance à la justesse et à la portée des mots, sauf pour St Jean qui disait « Au commencement était le Verbe». En effet, qui ne connait pas le mot « segmentation » n’a aucune chance d’en faire une correcte, tout comme qui ne connait pas l’expression « investissement marketing » ne risque pas d’en prévoir à son business plan. Le mot fait exister la chose et contribue donc à implanter dans l’esprit des innovateurs les bons concepts pour manager correctement l’innovation.
En outre, au troisième degré, comme nous l’avons exprimé à plusieurs reprises dans ce blog, l’innovation parait tellement paradoxale aux yeux des équipes d’exploitation (c’est-à-dire de 95% des membres du personnel de l’entreprise) qu’il est indispensable de faire savoir aux innovateurs en herbe que, quand ils bricolent (voir l’article de ce blog sur le bricoleur) avec un client ou deux, ou utilisent leur intuition au lieu de faire confiance aux chiffres ou aux études de marché, c’est eux qui sont dans le vrai; pas les autres vis-à-vis desquels ils se sentent gênés de ne pas utiliser les méthodes conventionnelles. L’innovation restant (statistiquement) quelque chose d’exceptionnel dans la vie de l’entreprise, pour réussir quelque chose d’inhabituel, il faut faire des choses inhabituelles et le faire savoir aux candidats à l’innovation. En dernier lieu, les séminaires de formation sont aussi l’occasion de constituer des groupes d’acteurs de l’innovation ce qui favorise le brassage et aide à constituer une communauté d’innovateurs dans l’entreprise. Cette rencontre physique entre les acteurs est primordiale car on travaille mieux avec monsieur ou madame Untel qu’on connait pour l’avoir rencontré, qu’avec un collègue masqué derrière un écran ou une adresse email. Les intranets et autres réseaux aident à la collaboration entre acteurs de l’innovation mais jusqu’à preuve du contraire ce sont encore bien les membres de la communauté qui font l’innovation.
Article écrit par Paul Millier Septembre 2013