Depuis la nuit des temps on a coutume de considérer que l’origine de l’innovation est à chercher dans le Market Pull ou le Techno Push. Dans le cas du Market pull, les clients identifient un problème et manifestent une demande à leurs fournisseurs qui répondent par une innovation incrémentale, mais il peut se passer aussi que les clients expriment des rêves irréalisables par les fournisseurs, comme le fait d’être invisible ou de se téléporter. Dans le cas du Techno Push, un fournisseur, détenteur d’une connaissance ou d’un savoir technique particulier, pousse sa technologie sur le marché ce qui occasionne une innovation de rupture. Une bonne illustration du fait que ces innovations sont plus poussées par la vanité ou la curiosité d’un inventeur que par le désir de satisfaire les clients, nous est donné par le laser à propos duquel ou disait lors de son apparition « Laser à quoi ? Laser à rien ! (Ca sert à rien !) ». En résumé, d’un coté les clients ont des demandes banales ou irréalisables et d’un autre coté les fournisseurs poussent des inventions inutiles, ce qui ne laisse pas augurer une forte création de valeur au bout du compte. Mais nous avons montré dans ce blog (cf billet du 27 mai 2013) qu’il existe une voie alternative plus fructueuse par laquelle l’innovation émerge de l’exploration, de la conversation, de l’observation, de l’interaction. Cette approche qui peut aussi passer par des études ethnographiques où l’on s’immerge dans la culture des clients qu’on veut comprendre, permet de faire émerger des problèmes, des souffrances (clients’ pains), que les clients eux-mêmes ne sont pas capables de formuler. Cette incapacité leur vient, d’une part, du fait « qu’on a toujours fait comme cela » (réponse fréquente des clients en de telles circonstances) et que cette routine les aveugle à tel point qu’ils pensent que « c’est comme ça, un point c’est tout ». D’autre part, il a été prouvé par la théorie C/K qu’un individu ne peut formuler un problème qu’en fonction des solutions qu’il connaît à ce problème. Donc, à un moment donné, il est très possible qu’un fournisseur ayant une connaissance particulière puisse, de ce fait, formuler le problème du client mieux que le client lui-même. Par exemple le client qui souhaitait que ses lasagnes puissent être décongelées plus vite, en une heure au lieu de deux heures, n’aurait pas osé demander un appareil qui les décongèlerait en cinq minutes. Et pourtant le four à micro-ondes l’a permis, dépassant en cela les attentes des clients les plus exigeants. Dans ces circonstances, le rôle de l’innovateur explorateur (détenteur de cette connaissance technique particulière et son potentiel) est d’aller chercher chez ses clients des problèmes ou des souffrances qui vont entrer en résonance avec les possibilités qu’offre sa technologie où sa connaissance. On n’est donc plus du tout dans le cas où on cherche à imposer une technologie. On cherche la symbiose entre un problème (momentanément informulable par les clients compte tenu de leur inconnaissance) et le potentiel de solutions d’une technologie donnée. C’est ce qu’à fort bien identifié Steve Blank (The fours steps to the epiphany) en parlant de la découverte des clients (Customer discovery) dont le but est de trouver qui peuvent être les clients pour le produit qu’on a inventé et si le problème qu’on croit résoudre est important pour eux. En effet pour lui comme pour Eric Ries (Lean start-up), le problème aujourd’hui n’est plus de savoir si on sera capable de faire tel ou tel produit mais bien de savoir si c’est CE PRODUIT LA qu’il faut faire. Si tel n’était pas le cas, tout l’effort de développement serait du gaspillage. « Découvrir le client » consiste donc à vérifier si les hypothèses qu’on a posées à propos du produit, des problèmes clients, du business plan, sont correctes. Pour cela, il faut arrêter de deviner ce qui serait bon pour les clients et sortir de chez soi pour apprendre quels sont les problèmes vraiment important pour les clients, et en quoi notre produit pourrait les résoudre. Et c’est cette rencontre entre ce problème inexprimable ou ce rêve utopique de changement d’un coté et cet espoir de solution d’un autre coté qui va permettre de lancer véritablement un programme de recherche ou de développement et d’engager les ressources. Dans ces circonstances, il serait beaucoup plus parlant de dire qu’on est en présence d’une logique de MARKET PUSH au sens où c’est bien le marché qui va pousser l’innovateur à démarrer la recherche et pas la recherche qui va pousser une technologie sur le marché et produire une innovation. On est, en effet, ni dans la situation où l’inventeur a développé une technologie et la pousse hasardeusement sur le marché (Techno push), ni dans la situation ou un client tire (market pull) quoi que ce soit puisque que nous avons vu qu’a un problème réputé sans réponse le client n’ose pas ou ne peut pas demander une solution. On est dans une situation qui tient un peu des deux à la fois, d’où ce terme mixte de MARKET PUSH.
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Merci pour cette synthèse intéressante… Pour ma part, j’ai la sensation que l’approche Customer discovery + Lean consiste en de nombreux aller-et-retours et itérations PUSH/PULL entre le client et l’innovateur. La qualification Market Push qui induit l’existence d’un sens privilégié est-elle complètement adaptée ?