Innovation Jugaad, innovation frugale, innovation sociale, innovation responsable, innovation sociétale… petit dictionnaire de l’innovateur durable !

En 2013, Navi RADJOU secouait les Economies du Nord avec l’innovation Jugaad  et proposait une solution compétitive à la raréfaction des ressources. En 2016 il allait encore plus loin avec une innovation frugale et flexible qui permettrait à tous les entrepreneurs du monde, quelle que soit la taille de leur entreprise, de faire du business tout en maitrisant leur impact social et environnemental. Leader d’une innovation durable (au croisement des intérêts de la société, de l’économie et de l’environnement), il offre derrière ces théories deux opportunités économiques majeures aux industriels :

  • Réduire leurs coûts de fabrication en mettant en place une démarche Jugaad (faire plus avec moins, viser la simplicité, faire preuve d’agilité et de flexibilité…) pour produire moins cher, se différencier de la concurrence et augmenter leurs marges.
  • Conquérir une clientèle de masse, jusqu’à présent largement ignorée par les marketeurs, en mettant sur le marché des produits abordables et performants issus de la logique Jugaad.

Dans la seconde option, parce qu’il s’adresse au BoP ou Bottom of the Pyramid (ceux qui vivent avec moins de 2$ par jour et qui constituent la catégorie de population la plus nombreuse mais aussi la plus pauvre), l’auteur incarne une forme particulière d’innovation qui a pour effet d’améliorer la vie de son utilisateur. C’est en effet parce que l’innovation est, par définition, un moyen de se réinventer, et parce que dans le contexte actuel il est de plus en plus admis que le management du changement doive prendre en compte l’impact social et environnemental, qu’il est désormais possible d’intégrer ces enjeux dans le business model de toute entreprise. Innover revêt alors un sens nouveau, celui de conquérir 4 à 5 milliards de personnes pauvres grâce à des offres à bas coût mais performantes, et l’on peut alors légitimement parler d’innovation sociale.

Mais on peut objecter que si l’innovation frugale prend en compte l’impact social elle ignore le champ de l’écologie couvert plus largement par l’innovation responsable. Ainsi en mutualisant les principes de l’innovation frugale et de l’innovation responsable, on pourrait inaugurer une nouvelle forme d’innovation qu’on pourrait qualifier de durable ou même encore de sociétale. On pourrait définir cette dernière comme une innovation qui prend en compte l’impact d’une activité sur l’homme et sur l’environnement et qui maitriserait dans les faits l’impact sur la société tout entière. Les principes cumulés de l’innovation frugale et de l’innovation responsable pourraient ainsi répondre aux enjeux sociétaux du siècle, tout en conservant un objectif de gain financier pour les industriels.

En pratique, les retours d’expérience sur le sujet sont encore rares et les résultats chiffrés peu communiqués. Les expérimentations autour de l’innovation sociale se multiplient dans les grands groupes, sans succès, comme s’il était impossible pour une grande entreprise de conjuguer simultanément impact social et résultat économique. Par exemple, on peut se demander pourquoi avec toutes les technologies et les connaissances dont on dispose aujourd’hui on n’est pas capable de faire des maisons accessibles au BoP ! Au-delà des process et des méthodes, mettre en place l’innovation sociale au sein d’une entreprise suppose en fait de penser différemment. Ainsi, il ne faut plus seulement viser la performance mais le « juste suffisant ». Et ce point d’équilibre qui garantit au client de ne payer que pour ce dont il a réellement besoin impliquera des choix de technologies nouvelles, développées souvent hors des laboratoires de R&D classiques, et en s’approchant au mieux de la population et de son environnement. Or un tel changement d’état d’esprit passe par des sponsors internes incarnant l’engagement de la société dans le domaine social tout en s’attachant à rechercher l’équilibre financier. De même, il faudra vraisemblablement mettre en place des modèles juridiques et financiers innovants pour gérer, par exemple, des contrats multi partenaires (ex : baux emphytéotiques entre promoteurs, communes et acquéreurs en remplacement des contrats de vente en l’état futur d’achèvement actuels) issus du secteur privé comme de la société civile, sans oublier la formation des salariés aux méthodes de co-construction.

Devenir un innovateur durable est possible, à condition d’intégrer un certain nombre d’éléments à sa logique :

  • L’économie du BoP est une économie d’endurance et non d’immédiateté pour laquelle la rentabilité ne se calcule pas sur la marge réalisée sur la vente d’un produit à forte valeur ajoutée mais sur la marge réalisée à long terme grâce au volume de vente d’un produit à bas coût.
  • L’innovation frugale permet d’imaginer des solutions innovantes qui réduisent considérablement le coût et le temps de fabrication.
  • Faire appel à des partenaires extérieurs permet d’apporter des solutions nouvelles de financement et de commercialisation.
  • Lier les innovations à l’usage du client permet d’être plus responsable car concevoir une offre sociale et frugale ce n’est pas faire du low cost mais de l’utile.
  • Créer une structure d’innovation durable, à proximité de la société mère permet d’une part de ne pas être asphyxié par ses rouages et d’autre part de valoriser les capacités de recherche de l’entreprise sans risquer de compromettre son chiffre d’affaires.

Article écrit par Léa Sapin MSMTI 2016 et Paul Millier

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